La démocratisation d’internet et surtout l’adoption forte du mobile depuis les années 2000 a provoqué un changement de comportements de la part des consommateurs. La résultante : de nouvelles habitudes de consommation auxquelles les marques doivent faire face. Et si tous les secteurs d’activités sont touchés, il y en a qui ressentent plus que d’autres les contrecoups de cette “digitalisation” des populations. C’est le cas du secteur financier et plus particulièrement les banques qui, en Afrique, doivent désormais faire face à un problème lié à l’inclusion financière mais surtout à la venue de nouveaux acteurs qui se font de plus en plus pressants et agressifs. Il s’agit notamment des structures spécialisées dans le mobile money et qui se constituent progressivement comme des concurrents sérieux pour les institutions financières en Afrique. Ces structures, qui offrent la possibilité d’avoir un porte monnaie électronique, améliorent constamment leurs offres de services intégrant progressivement des options telles que l’ouverture de compte, l’achat en ligne, le paiement de salaires, etc.
De nouveaux produits qui voient donc le jour, résultante d’une avancée des technologies mobiles et numériques et qui contribuent à stimuler l’inclusion financière en Afrique subsaharienne.
Le mobile comme point de départ d’une meilleure bancarisation et d’une inclusion financière
Les indicateurs de l’inclusion financière en Afrique sont tous inférieurs à la moyenne mondiale : 35 % de la population dispose d’un compte en banque, 15,4 % épargne dans une institution financière et 6,7% a un crédit auprès d’un institut financier. Ces chiffres nous sont partagés par BSI Economics et dénote du potentiel de l’Afrique pour les institutions financières. Le grand défi pour ces dernières sera de faciliter la compréhension de ce secteur et de proposer les outils et services qui susciteront l’engouement des populations. Et justement, cela passera sûrement par le mobile. En effet, l’Afrique est le continent avec le plus fort taux de pénétration du mobile après l’Asie. Des pays comme le Sénégal et la Côte d’ivoire ont par exemple des taux de pénétration dépassant les 100% avec respectivement 103,25% en 2017 et 122% pour la Côte d’ivoire. D’autres pays comme le Mali 124%, le Botswana 112% et la Gambie 104% ne sont pas en reste.
Des chiffres qui montrent l’adoption de cet outil par les populations et confirment la tendance selon laquelle l’inclusion financière peut être dynamisée grâce à l’utilisation du mobile qui, peut être un moyen efficace de simplifier les process d’ouverture de compte ou de gestion de ce dernier. D’ailleurs le concept de mobile banking est un terme de plus en plus en vogue sur le continent, depuis l’avènement de M-Pesa en 2007. Une application qui depuis sa création, a permis à de nombreux individus d’être inclus financièrement grâce à l’accessibilité plus simple comparée aux banques. Selon une étude publiée sur le site Harvard Kennedy School, la part des Kenyans ayant accès à un compte financier est passée de 42% en 2011 à 75% en 2014, grâce aux services bancaires mobiles. L’inclusion financière est montée en flèche parmi les citoyens les plus pauvres, passant de 21% des personnes ayant un compte financier en 2011 à 63% en 2014, une croissance de plus de 200% en seulement trois petites années.
Un exemple donc à suivre par les institutions bancaires (nombreuses sont celles qui ont déjà lancées une application mobile) dans l’optique de dématérialiser le processus d’ouverture de compte et de faire en sorte que les Africains même ceux vivant dans les zones les plus reculées puissent ouvrir et accéder à leur compte bancaire en quelques clics. Se pose cependant la question de la régulation et de la connectivité afin de réussir un tel challenge.
Un cadre juridique toujours pas défini?
Si le mobile banking a explosé en Afrique, il est toujours question d’un cadre juridique qui n’est pas encore bien défini. En effet, même si l’IUT précise qu’il existe deux modèles de mobile banking selon que les transactions soient directement contrôlées par les banques commerciales dans ce cas on évoque le terme “Bank-Based” (BB) qui est le cadre réglementaire au Nigéria par exemple. Dans le cas où les transactions ne sont pas directement contrôlées par les banques commerciales on parle de Non-Bank-Based (NBB). C’est le cas par exemple dans les pays comme le Kenya. Le cadre réglementaire reste encore à être harmonisé car, il existe encore quelques points de douleurs comme il a été possible de le constater avec le cas Orange Money au Sénégal. Dans ce cas précis, la BCEAO a mis en avant le fait que le service de transfert de fonds hors de l’Union monétaire ouest-africaine n’est pas autorisé à des institutions autres que les banques.
Dans l’optique de favoriser l’innovation, mais aussi l’inclusion financière en Afrique, les organismes tels que les banques centrales doivent définir un cadre juridique et réglementaire qui puisse faciliter l’utilisation de ce nouveau type de service bancaire en toute sécurité tout en jouissant de tous les avantages de la banque traditionnelle.
Au final, il est clair que l’approche numérique doit être encouragée afin, de favoriser l’inclusion financière des populations africaines. Il est cependant, important de souligner que les différentes parties prenantes se doivent de trouver un équilibre concernant le cadre réglementaire afin que ce dernier soit le plus sure et propice pour tout type d’organisations souhaitant se lancer dans ce type de service. Notez que le choix des modèles de mobile-banking résident dans le type de transactions que l’on veut privilégier. Comme le dit Ammin Youssouf fondateur d’Afrobytes, “En Afrique comme en Occident, le législateur est en retard sur l’innovation. Il court après la technologie. Le cadre est peut-être moins structuré en Afrique qu’en Europe mais pas plus conciliant.” Enfin, il serait intéressant de se pencher sur l’amélioration de la collaboration entre opérateurs téléphoniques et banques qui sont les acteurs majeurs du mobile banking et qui gagnerait à harmoniser leur efforts afin de fournir plus d’innovations aux marchés africains.