Bien qu’il y ait peu de données sur les vendeurs de rue et marchands ambulants, ces entrepreneurs représentent visiblement une activité économique importante dans les villes africaines et ils devraient comme tout le monde être de plus en plus connectés dans les années à venir. Nous avons donc trouvé utile de creuser ce sujet à travers une étude ethnographique. Notre objectif en partageant gratuitement les résultats de cette étude de terrain est d’amorcer une réflexion sur le développement d’innovations adaptées aux marchands ambulants au Sénégal. De manière générale, nous voulons aussi partager nos méthodologies afin qu’un maximum de startups puissent s’en inspirer dans leurs domaines respectifs.
CONTEXTE ET GÉNÈSE DU PROJET
Lorsque l’on passe un peu de temps en dehors du continent Africain, ce qui nous marque c’est à quel point les usages du numérique semblent ici bien différents de ceux du monde occidental. Assez peu d’études sont faites sur le sujet et ce n’est d’ailleurs pas évident d’en prendre la mesure, mais il est clair que dans la majeure partie des pays et villes du continent, on invente chaque jour de nouvelles façons de s’approprier les outils numériques et de les rendre utiles à sa vie, à sa survie, à sa reconnaissance, à sa vie personnelle, etc. Ceci est dû à la culture orale, à la connectivité, à l’alphabétisation, à la découverte du web via le mobile plutôt que via le PC, à la taille des villes, aux conditions de transports, à l’importance du cercle familial, etc.
C’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons lancé YUX il y a quelques mois : il nous paraissait primordial pour le développement de produits numériques utiles et adaptés à notre contexte de comprendre les usages technologiques des Sénégalais.
Nous avons donc décidé après une première étude sur l’économie de partage et le crowdfunding au Sénégal, de s’intéresser aux vendeurs de rue ou marchands ambulants et de comprendre leurs besoins, aspirations et usages numériques. Nos amis de By Filling nous ont tout de suite rejoint sur ce projet car, ils s’intéressent de leur côté au contenu digital qui peut éduquer et intéresser ces personnes.
Bref, le sujet était lancé – il fallait maintenant en préciser les objectifs, le périmètre et la méthodologie. Voilà comment nous avons procédé si jamais cela peut t’être utile.
1) DÉFINITION DES OBJECTIFS : ÉTUDE QUALI OU QUANTI… ? ET C’EST QUOI LA DIFFÉRENCE D’AILLEURS ?
La première question à te poser est la suivante : « qu’est-ce que je cherche à comprendre » ?
- OPTION PETIT A : je veux (essayer) de comprendre de façon objective l’économie des marchands ambulants et la quantifier : nombres et types de marchands, lieux, âges, revenus, nombre de café vendus, nombre d’oranges épluchées, etc.
Ou bien
- OPTION PETIT B : je veux (essayer) de comprendre de façon plus subjective leurs aspirations, leurs frustrations, leurs usages technologiques et leur besoins.
Pour choisir entre les deux options, il faut en fait répondre à la question suivante : « qu’est-ce que je pourrais bien en faire ? »
- AVEC L’OPTION PETIT A : une jolie infographie à mettre sur ta cover FB (pas de jugement, je l’ai déjà fait aussi), un rapport à donner à ton Président (bon ça j’ai essayé mais sans succès), un grand fichier excel pour t’entraîner au Big Data, faire l’intéressant en conférence ou en soirée avec tes chiffres, etc.
- AVEC L’OPTION PETIT B : générer des concepts d’applications utiles.
Bon vous l’aurez compris – pour aborder ce thème nous avons choisi l’option Petit B car cela nous paraissait plus intéressant, fun et original – mais on aime bien les études quanti aussi parfois.
2) CADRAGE DU PÉRIMÈTRE DE L’ÉTUDE
Lorsque tu t’attaques à un sujet, surtout si tu prends l’option qualitative, il vaut mieux que tu étudies en profondeur une population assez précise et que tu limites ton « scope » plutôt que d’essayer de survoler l’ensemble de ta cible. Nous avons donc dans un premier temps listé l’ensemble de marchands ambulants et de rue et les avons répartis en trois catégories :
– Marchands ambulants : vendeur de crédit, vendeur d’objets divers, café touba
– Marchands semi ambulants – installent leur stand le matin et le rangent le soir à proximité : vendeurs de café, fruit, arachides, etc.
– Marchands de rue fixe : stand fixe qui reste au même endroit, même la nuit : tangana, certains vendeurs de fruits, etc.
Nous avons ensuite choisi seulement 4 types de marchands, en fonction des personnes que l’on connaissait déjà ou de notre intérêt : le vendeur de fruit, le vendeur de café, le vendeur de café Touba et le vendeur de Crédit. Nous avons également réduit l’étude à la zone de Dakar.
3) PRÉCISION DE LA MÉTHODO, DU CALENDRIER, DU BUDGET
Une fois que tu as ton périmètre, il faut mettre sur papier les éléments opérationnels de ton étude. Il est recommandé d’interviewer entre 5 et 10 personnes pour chaque profil que tu cherches à analyser. Dans une zone comme Dakar qui est très diversifiée, il est bien sûr important de choisir des personnes dans différents quartiers (résidentiel, affaire, populaire, aisé, etc.). Ensuite, tu as plusieurs options pour ta collecte d’information :
- des interviews de terrain, appelés « intercepts » :
Très utiles si tu ne connais pas un secteur car cela te permet de comprendre le contexte, l’environnement dans lequel travaille ta cible. C’était particulièrement important pour nous pour bien comprendre le flux de client de nos marchands, leurs relations avec les autres marchands, avec les automobilistes, les conditions de travail, etc.
- des entretiens semi-directifs à « huis clos ».
Tu invites les personnes que tu souhaites interviewer dans tes locaux pour un entretien de 1h – 1h30. Le « semi-directif » signifie que tu suis une grille de questions précise mais que tu peux en sortir pour creuser un aspect ou une réponse qui te semble intéressante. Il est important de le faire au moins à 2 collègues : l’un qui pose les questions et discute le plus naturellement possible avec la personne et l’autre qui note les réponses.
- Focus groups
Plus utiles lorsque tu as déjà une idée ou prototype d’application et que tu veux recueillir les feedbacks d’un groupe de personnes et les laisser en débattre un peu. Nous n’en avons pas fait à ce stade mais certainement plus tard.
Il y existe bien sûr d’autres méthodes d’analyses qualitatives mais les trois ci-dessus sont parmi les plus faciles d’accès et les plus pertinentes dans les premiers stades d’un projet. Pour notre part nous avons fait un mix entre des intercepts (25) et des entretiens semi-directifs (8).
En fonction de tout ça tu fais ton calendrier et ton budget. Si ton comptable est ok, tu pourras lire la suite dans notre prochain article !
Cet article a été originalement posté sur le site YUX Dakar